Kaële annecy-léman magazine  de mai 2012 est paru avec une interview de Philippe Michel, membre de l’ECF, psychanalyste à Annemasse.

Ludovic Bornand nous présente le contexte de cette interview.

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Le magazine Kaële est un mensuel d’information à grand tirage, visant un public large d’Annecy à la Suisse romande. Le numéro du mois de mai présente un dossier intitulé sur la page web dans l’onglet « santé » : « Autisme infantile : une prise en charge engagée ». La première partie de ce dossier met en avant l’ouverture récente (janvier 2012) d’une nouvelle structure expérimentale en Haute-Savoie : « Une victoire pour les professionnels et les parents qui se battent pour la reconnaissance des méthodes comportementalistes et éducatives ».  L’association mise en avant est celle d’OVA France (Objectif vaincre l’autisme), fondé par « ces parents combatifs qui décident de traverser l’Atlantique pour aller chercher des méthodologies dont on dit qu’elles ont « prouvé scientifiquement leur efficacité ». Dans cet article nous apprenons que la psychologue « récompense Maxime avec des noisettes ou des amandes » et que « toutes les cinq minutes, la thérapeute munie d’un chronomètre vérifie si Léa est bien au sec et la félicite » : « L’objectif est de lui faire comprendre que c’est mieux d’être propre ». Suite à ces différents propos, le journaliste de Kaële formule avec une certaine finesse un questionnement : « Mais peut-on parler de communication quand il s’agit d’un enfant qui applique ce qu’on lui a appris ou s’agit-il véritablement d’une relation entre personnes conscientes de créer un lien entre elles ? » La réponse de la psychologue référente de l’association  Objectif vaincre l’autisme évince la question du lien. L’énigme fait peur et l’observation rassure : « Le comportementalisme part du postulat qu’on ne sait pas ce qui se passe dans la tête des enfants autistes. Nous partons de ce que nous pouvons observer. Notre objectif est de développer des comportements socialement désirables et de réduire les comportements socialement inadaptés. On travaille sur les antécédents, c’est-à-dire les causes qui font apparaître tel comportement : pourquoi je vous parle, parce que vous me posez des questions. On agit aussi sur les conséquences : pourquoi répondre au téléphone ? Parce qu’à chaque fois il y a quelqu’un au bout du fil. Le renforcement c’est la conséquence qui fait que nous reproduisons tel comportement. Nous agissons au moyen du renforcement qui est individualisé pour chaque enfant. »

Le journaliste de Kaële pour qui « le domaine de la santé mentale est beaucoup plus vaste et complexe qu’on veut bien le croire » a alors pris l’initiative d’entendre un autre discours afin de le proposer aux lecteurs de ce magazine. Il a pris son téléphone sans être sûr qu’il y aurait quelqu’un au bout du fil et a joint Philippe Michel, membre de l’Ecole de la cause freudienne qui a pris le parti de parler, même si on ne lui pose pas de questions !

Voici son interview.

-Parole de psy-

Philippe Michel,

Psychanalyste à Annecy et Annemasse, membre de l’Ecole de la Cause Freudienne et de l’ACF Rhône-Alpes(5), défend la prise en charge des enfants et des adultes autistes par la psychanalyse et en explique les raisons.

Kaële : Comment pratique la psycha­nalyse auprès des enfants autistes ?

Philippe Michel : Les psychanalystes travaillent avec des enfants autis­tes depuis les années 60 et 70. Il ne s’agit pas seulement d’entendre la parole de l’enfant autiste, puisque justement ce dernier s’en défend. La question est de savoir comment entrer en communication avec lui. Les psychanalystes ont découvert que l’enfant avait bien souvent un objet « autistique » qu’il garde tou­jours avec lui, un objet inventé pour se protéger du monde dont il a peur. Nous ne disons pas à l’enfant ce qui est bon pour lui, mais nous partons de cet objet, sa trouvaille, pour avan­cer. Parfois un seul mot est pronon­cé et cela suffit pour nous permettre de commencer un travail, pas à pas, avec l’enfant, en l’accompagnant. Il ne s’agit pas de laisser l’enfant seul avec ses stéréotypies, ses écholalies et ses répétitions, mais de les consi­dérer comme un premier traitement élaboré par l’enfant pour se défen­dre, et d’y introduire dans une pré­sence discrète des éléments nou­veaux qui vont « complexifier » le monde de l’autisme.

K. : Que répondez-vous aux parents qui s’interrogent devant ceux qui « attendent l’émergence du désir » ?

P.M. : C’est la caricature du psycha­nalyste qu’on entend comme un slogan dans la bouche de certains et dans les journaux. Bien évidemment il ne s’agit pas d’attendre que ça émerge, mais de favoriser la paro­le, une parole énigmatique, bâillon­née, symptomatique. Pour que celui qui souffre dans son corps puisse se réapproprier sa souffrance et parve­nir à dire les choses autrement. Un enfant autiste c’est celui qui est enfermé dans son monde, qui ne peut pas s’adresser à l’autre. Ce qu’on appelle aujourd’hui « le spectre de l’autisme » montre des enfants qui parlent, d’autres non. Il y a même des autistes dits de haut niveau (cf. l’autisme d’Asperger, type « rain man »). Mais ils parlent de façon telle que bien souvent ils prennent tout au pied de la lettre.

K. : Ne pourrait-il pas y avoir un point de convergence entre les différentes approches de prises en charge de l’autisme ?

P.M. : Ce serait souhaitable. Freud a eu ceci de révolutionnaire qu’il a donné la parole aux malades, contre ceux qui savaient, c’est quelque chose que l’on n’a jamais pardonné à la psychanalyse.

K. : Que reprochez-vous à la méthode ABA ?

P.M. : Son autoritarisme et le fait qu’elle s’autoproclame comme étant la seule valable pour le traitement de l’autisme. L’action analytique se tient à distance d’idéaux de normalisation ou de normalités incompatibles selon nous avec des sujets en souffrance. Nous ne contestons pas les dispositifs d’apprentissage. Les praticiens que nous sommes cherchent à privilégier des approches éducatives et pédagogiques qui savent s’adapter aux singularités sociales et cognitives des enfants autistes. En revanche, nous sommes absolument contre les méthodes d’apprentissage intensif qui réduisent le sujet à une mécanique (lire Autisme : un courrier embarrassant pour un centre cité en exemple, par Sophie Dufau, 03/04/2012, Mediapart.fr)

Pour consulter le numéro, veuillez cliquer sur ce lien : Kaele numéro paru en mai 2012

KAËLE MAI 2012 http://www.kaele-magazine.com/fr/index.php

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