•Communiqué de l’AFRAHM Pour une prise en charge adaptée des personnes avec autisme 31 Janvier 2012

•Réponse de Daniel Pascalin Directeur thérapeutique de la Coursive

•Réponse de Fabienne Hody Responsable clinique au Centre de Jour Grandir

La réponse de Daniel Pasqualin :

Pour une prise en charge adaptée des personnes avec autisme !

Lettre ouverte adressée aux signataires du communiqué de presse collectif

du 31 janvier 2012

Il y aurait, d’après ce communiqué “une mauvaise prise en charge de l’autisme en France” et cette mauvaise prise en charge menacerait aussi la Belgique francophone. Cette prise en charge orientée par la psychanalyse serait nuisible pour l’évolution des enfants autistes qui sont confiés par leurs parents à ces institutions. Je tiens à attirer l’attention des signataires, qui ont pour mission d’informer les familles dans l’intérêt du plus grand nombre, sur le fait que si les parents font ce choix, ils le font en étant informés sur les différents traitements possibles, et qu’ils sont orientés aussi à l’occasion par  les Centres de Référence Autisme. Peut-être faut-il aussi rappeler que nos centres rendent régulièrement compte de leur travail à l’INAMI qui est leur pouvoir subsidiant. Ce dernier s’est d’ailleurs prononcé en son temps pour empêcher la pratique du packing. Donc, pas d’ambigüité ni d’amalgame.

Pour poursuivre le débat, il me semble important de rappeler qu’il est difficile de parler de l’enfant autiste “type” qui n’existe pas et encore moins du parent “type” de cet enfant. Certains parlent et ont déjà été scolarisés, par exemple, d’autres pas du tout. Ont-ils tous, dès lors, les mêmes besoins ? De plus, c’est au nom de leur bien que certaines associations choisiraient à leur place, empêcheraient  certains parents qui nous font confiance – et nous-mêmes, citoyens nous aussi – de poursuivre notre travail quotidien d’accueil en institution, dans un esprit pluridisciplinaire. Avec, entre autres, des enseignants. Au nom de quelle démocratie ? De quelle liberté ?

Cet engagement relève en fait pour chacun, au un par un, d’un choix subjectif qui ne saurait être arraché à quiconque. Tout au long du traitement, les parents informés du travail que nous faisons,  peuvent à tout moment retirer leur enfant du centre dont ils ne seraient pas satisfaits, puisqu’ il ne s’agit aucunement d’un placement imposé.

Le travail avec les parents, nos principes

Celui-ci est capital et indispensable, dès la demande d’admission. Nous proposons aux parents,  qu’ils viennent nous parler de cet enfant-là, unique et singulier. Nous ne cherchons pas la cause de son autisme. Si même un jour il était prouvé que sa cause fût génétique, cela n’invaliderait pas nos principes de travail.

Nous partons de l’idée que cet enfant doit se défendre du lien avec tout autre, de son environnement dont nous faisons partie dès que nous nous en occupons. Toute demande de notre part, notre parole, et aussi notre présence, sont vécues par ces enfants comme intrusives. Ils sont plongés dans l’angoisse et la perplexité qui envahit leur corps dès que se manifeste un partenaire du lien social. Il ne s’agit donc pas, devant ce constat, de culpabiliser les parents, on ne voit d’ailleurs pas pourquoi ils devraient supporter cela en plus de leur souffrance, mais bien de nous faire partenaires avec eux du mode de présence au monde qui est tolérable pour leur enfant. Ce mode de présence passe par l’usage d’un objet que nous respectons. C’est à partir de cet objet que les intérêts de l’enfant pourront être élargis ainsi que ses compétences sociales et ses apprentissages, en vue d’améliorer son lien aux autres, à la famille, à l’école.

L’orientation analytique

À quoi nous sert l’orientation analytique aujourd’hui ? À travailler en équipe, dans la diversité des compétences, sur les défenses et les stéréotypies des enfants, qui les isolent. Notre visée est de les inscrire dans un peu de lien social qui passe par nous-mêmes dans nos ateliers, où une petite rencontre réglée est proposée, non intrusive, à la bonne distance.

Nous ne refusons ni ne réfutons aucunement les apprentissages, mais les articulons à ce qui intéresse l’enfant. Nous devenons partenaires de ces enfants en travaillant sur l’usage qu’ils ont des objets autistiques. Nous nous y intéressons, car s’ils les interposent entre eux et nous, c’est pour se défendre de nos demandes vécues comme trop frontales dans leur logique. Pour nous, ces enfants sont des sujets qui doivent être respectés comme tels. Ils nous enseignent la manière de les aborder et c’est aussi ce que nous enseignent beaucoup de parents, à partir de leur quotidien en famille.

Le témoignage de Temple Grandin

Son témoignage, cité dans le communiqué, est justement crucial sur ce point : c’est à partir de son objet autistique, son invention d’une machine à contention, qu’elle a pu accumuler tant de connaissances et de savoir. C’est à partir de cet objet qu’elle a pu élargir énormément le champ de ses relations sociales et qu’elle occupe aujourd’hui, une place de choix dans notre société. Notons qu’elle le doit aussi au soutien indéfectible de ses parents par rapport à sa machine, qu’ils considéraient comme son doudou, une chose vitale qu’elle ne devrait jamais laisser tomber. Ce fut d’abord leur choix de parents, avant de pouvoir devenir le sien. Même si effectivement, elle considérait que son cerveau fonctionnait autrement.

Ce que nous réclamons avec force et conviction

Dans une démocratie, chacun est libre d’exercer son esprit critique. Nous demandons simplement que la variété des approches, et des méthodes de travail, avec les enfants autistes et leurs familles soient préservées.

Puisse-t-on, aujourd’hui encore et pour un certain temps, laisser la liberté à ceux qui revendiquent de faire un choix.  C’est bien l’enjeu politique qui est au cœur de ce débat sur les traitements de l’autisme et qui pose la question du respect des droits fondamentaux de l’enfant, effectivement.

Daniel Pasqualin

Directeur thérapeutique de la Coursive

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La réponse de Fabienne Hody :

Qu’est-ce qui préoccupe les signataires de cette lettre ? Est-ce le bien-être et le respect des personnes autistes ?

Éradiquer la psychanalyse de la prise en charges de ces enfants, est-ce bien là que se situe, l’urgence ?

L’usage supposé par de rares intervenants (Combien, au fond et où ?) d’une méthode de contenance corporelle — similaire à celle dont use T.Grandin et qui n’a strictement rien à voir avec la psychanalyse — pour apaiser l’angoisse de certains sujets autistes ou schizophrène, est-ce là le scandale ?

Je ne le pense pas. Le scandale est ailleurs. Le scandale, ne réside pas d’abord dans les méthodes de prise en charge mais dans leur absence. Il n’y a PAS de place nulle part en Belgique pour nombre d’enfants, qu’ils soient autistes, souffrant de « troubles envahissants du développement » (TED) ou d’autres difficultés. Pas de place, ni dans les écoles spécialisées, ni dans les centres de jour appliquant des méthodes cognitivo-comportementales ni dans les centres d’orientation psychanalytique.  Pas de place.

Ecoutez ces parents désespérés qui s’entendent répondre inlassablement : « Désolée nous n’avons plus de place. » « Non, nous ne pouvons pas le mettre en liste d’attente. Il aurait passé l’âge avant que votre demande puisse aboutir. » « Oui, je sais, c’est partout pareil. » Certains parents me remercient de ces réponses désespérantes. Ils me remercient d’avoir pris le temps, quelques minutes au téléphone, pour les écouter et leur répondre. C’est si peu et c’est parfois beaucoup pour eux. Ils n’obtiendront pas plus.

Non, les parents n’ont pas toujours la liberté de choisir le mode de prise en charge en accord avec leurs convictions. Ils sont déjà très heureux s’ils ont la chance de trouver une place pour leur enfant quelque part. Cet enfant examiné à 2 ans dans un centre de référence autisme devait bénéficier « d’urgence » d’une prise en charge intensive en centre de jour. Près de 4 ans plus tard il n’a toujours rien. Où se situe la maltraitance ?

Le débat et la critique de la pertinence des différents modes de prise en charge des enfants autistes et TED sont importants. Je n’en doute nullement. C’est un travail de recherche continu et passionnant auquel s’attellent les institutions d’orientation psychanalytique où et avec lesquelles je travaille. S’il y a un lieu où on ne se repose pas sur un savoir a priori, établi et immuable, c’est bien là.  Venez nous rencontrer, venez débattre avec nous comme nous le faisons déjà avec les écoles où les enfants sont réorientés à l’issue de leur séjour dans nos institutions : Écoles spécialisées, enseignants formés à la méthode TEACCH, éducateurs désireux de nous transmettre un certain savoir faire, instituteurs curieux de partager avec nous certaines trouvailles cliniques. La collaboration est souvent fructueuse et loin de tout acharnement idéologique et réducteur.

Le premier combat à mener pour ces enfants n’est-il pas de leur ouvrir des portes et de garantir leur droit d’avoir une place à leur mesure quelque-part ?

Fabienne Hody

Responsable clinique au Centre de Jour Grandir

Bruxelles

 

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