Le billet de Mikaël Strakhov

Publié dans le N°114 de Lacan Quotidien

C’est un fait. À Moscou, la semaine dernière, qui avait commencé par des mouvements sociaux organisés malgré l’interdiction des autorités [lundi, 300 personnes furent arrêtées par la police, mardi – ce nombre s’élevait déjà à 600 personnes] s’est terminée par un véritable point d’orgue, avec la manifestation – finalement autorisée – au centre de Moscou, sur la place Bolotnaya, que les lecteurs français pourront traduire par « la place du marais ».

Je suis absolument certain que vous avez déjà lu un grand nombre d’articles dans les journaux français, ou avez vu des images à la télévision. Cette manifestation a réuni près de 30 000 à 100 000 manifestants (selon différentes sources). Un vrai miracle !

Le pays, qui dormait depuis les événements bouillants des années 9O se réveille finalement pour aller tarir le marais d’apathie ! Cet événement est déjà baptisé « la révolution de neige ». » Bien sûr, c’est un peu « somptueux », mais cela traduit bien l’ambiance : même si la neige n’avait pas encore recouvert les rues de Moscou – ce qui est un phénomène climatique rare pour un mois de décembre, au regard de ces dix dernières années – les gens portaient des rubans blancs – le symbole de ce mouvement, pour des élections justes, et, contingence remarquable, lorsque le dernier manifestant eut quitté la place, dans le silence, d’énormes flocons blanchirent l’espace vidé…

 « La révolution » est tout à fait paradoxale. Premièrement, il n’y a pas de leaders, pas de parti politique. Deuxièmement, on ne peut pas dire qu’elle soit initiée par le peuple. C’est « la révolution » de Hipsters, de gens bien nourris et qui communiquent entre eux grâce à Facebook [bien sûr, la foule était très hétérogène, mais le noyau était composé de jeunes spécialistes de tous genres]. Troisièmement, personne ne désire qu’une véritable révolution advienne, on a eu trop d’ébranlements dans notre pays.

Réaction de Judith Miller à la lecture de ce billet :

“Ce que dit Mikaël à propos de cette ‘révolution de neige’ est certainement très juste. Les moscovites  se désolent lorsqu’il ne neige pas, car, disent-ils, “la ville est toute grise, tout est éteint et gris,  la neige la rend  lumineuse et vivante, et les choses sont  distinctes et prennent du relief”.

 Ce qui se passe à Moscou est neuf et n’entre pas dans les catégories que nous utilisons, cela fait partie des phénomènes qui vont avec un symbolique nouveau, du XXIe siècle (cf. le Congrès de l”AMP)”

 

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