Une loi infâme
Je souhaite apporter un témoignage, une réflexion concernant la loi « infâme » qui réforme les soins sous contrainte à l’hôpital psychiatrique et à domicile.
Cette loi est entrée en vigueur depuis le premier août 2011 dans ce que la novlangue nomme le champ de la santé mentale faisant fi des pétitions. Ces dernières ont circulées à l’initiative du collectif des 39.
Les politiques sécuritaires se sont saisies de faits divers tels que les passages à l’acte qui ont eu lieu à Pau, à Grenoble pour exclure le fou de la société et lui imposer des soins sans consentement.
La loi, qui réforme celle de 1990, fait apparaître de nouvelles modalités de prise en charge.
Elle instaure une nouvelle possibilité pour le préfet d’hospitaliser une personne sans forcément qu’il y ait trouble à l’ordre public ou menace sur la sécurité des personnes comme précédemment.
Il suffit d’« un péril grave et imminent. »
Ce texte renforce globalement le pouvoir du préfet au détriment de la prise en charge thérapeutique.
Il peut s’opposer à la levée de la contrainte ou bien refuser une sortie accompagnée lors d’une hospitalisation d’office (nommée actuellement SPDRE c’est à dire soins psychiatriques sur décision d’un représentant de l’état).
Quant aux sorties d’essai, elles sont supprimées.
Ce texte prévoit également la possibilité d’obliger une personne à se soigner à domicile sans son consentement remettant ainsi en cause le lien thérapeutique établi lors d’une hospitalisation à domicile (HAD).
Le fantasme qui prévaut est d’assurer la sécurité, un signifiant maître du discours politique actuel.
J’exerce comme psychologue à l’hôpital psychiatrique public de Quimper au sein d’un service accueillant des personnes hospitalisées sous contrainte.
Une collègue psychiatre relève que ce pavillon fermé est soumis actuellement aux surpressions sécuritaires, modifiant l’ambiance et entraînant de surcroît des précautions jusqu’à la rédaction par les psychiatres de ces certificats souvent à refaire, à détailler.
Ils ne concernent non plus un mais deux psychiatres ce qui a pour conséquence de multiplier vainement les rencontres avec les patients peu ou pas encore stabilisés.
Quant aux collègues infirmiers, ils se plaignent d’avoir à accompagner les patients au tribunal, trois fois par semaine.
Ils doivent être présentés au juge des libertés et de la détention au cours de la première quinzaine de leur hospitalisation puis à nouveau au bout de six mois.
Le juge, sans formation au préalable, doit se prononcer sur le bien fondé des soins sous contrainte.
Les infirmiers témoignent de la fragilité des patients qui sont exposés, regardés puisque l’audience ne se fait pas à huis clos.
De plus, elle confronte les patients avec le tiers quand il s’agit d’une hospitalisation à la demande d’un tiers (nommée actuellement SPDT à savoir soins psychiatriques sur demande d’un tiers).
Ces patients, bien souvent délirants ou mélancoliques, ignorent presque tout quant à cette loi et s’y soumettent.
Toutefois, une patiente a refusé dernièrement de se rendre au tribunal invoquant et dénonçant : « je n’ai rien à me reprocher ».
Certes le discours de cette patiente témoigne de son interprétation de la loi mais ce qui retient surtout mon attention est que son discours témoigne de la modification de sa position subjective.
Cette patiente fait ainsi entendre sa voix, celle d’un sujet pensant.
Par Déborah Allio
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