L’enseignement de Lacan, Chronique d’un hold-up par AGNÈS AFLALO

Tant que E. Roudinesco semblait seule en cause, nous ne l’avons pas prise au sérieux. Nous avons jugé qu’il n’était pas nécessaire de perdre du  temps à lui répondre. C’était une erreur de jugement, la même que celle qui a provoqué le premier assassinat manqué de la psychanalyse. Le mépris se paye toujours cher. N’est-ce pas pour parer à ses fâcheuses conséquences que Lacan demandait aux psychanalystes de son École de ne jamais cesser la lecture critique des collègues ?

Le réel au tribunal.  L’audience d’hier m’a propulsée trente années en arrière, quand des élèves de Lacan avaient décidé de le rejeter de son École. Aujourd’hui, la même volonté s’exerce pour l’exclure aussi de son enseignement. L’argument de l’atteinte de son intégrité physique et morale reprend donc du service pour justifier cette forfaiture. Lacan a entendu ça de son vivant, nous sommes encore quelques-uns à nous en souvenir. Sa réponse a été très claire : dissoudre l’EFP pour se séparer de ceux qui rejetaient son enseignement, et refonder aussitôt une École avec ceux qui consentaient à le prendre au sérieux et à en tirer les conséquences.

L’enseignement de Freud n’a-t-il pas subi les mêmes attaques et avec les mêmes arguments loufoques sur sa personne? Lors des années vingt, la bascule de son enseignement autour de la jouissance – la pulsion de mort – a été rejetée au motif qu’il était triste depuis le décès de sa fille. Dès que Freud a tenté de cerner le réel, ses élèves qui n’en voulaient rien savoir au sein même de l’IPA, s’en sont pris à sa personne.  Pourtant, ça n’empêche pas le réel d’exister.

Le hold-up sur l’enseignement de Lacan. Si les mêmes arguments sont repris aujourd’hui, n’est-ce pas pour recommencer le hold-up sur l’enseignement de Lacan qui avait échoué il y a trente ans ? N’est-ce pas ce que révèle l’accusation portée sur le prétendu « rapt » dont son corps aurait fait l’objet au moment des funérailles ? Si la psychanalyse ne se laisse pas assassiner, pourquoi ne pas tenter le hold-up ?

Sa recherche du réel a couté à Lacan son rejet de l’association internationale fondée par Freud pour mettre à l’abri le discours analytique. Ce rejet, Lacan l’a interprété comme excommunication parce qu’il a jugé que la structure de l’IPA était celle d’une Eglise. Ça lui a permis de reformuler un certain nombre de concepts fondamentaux de la psychanalyse dégagés de l’emprise du Nom-du-Père.

Le désir en acte. La coalition de la haine, que Lacan nommait « SAMCDA », Société d’assistance mutuelle contre le discours analytique, porte d’autres habits aujourd’hui : ils sont anti-lacaniens avérés ou lacanoïdes fielleux et malveillants, mais toujours au service de la haine du réel. Ceux qui se parent de ces guenilles tentent de vampiriser Lacan pour ôter toute vie à son enseignement, toute subversion à ce discours inédit et inouï.

Le temps n’est-il pas venu d’engager le combat d’une façon méthodique et sans état d’âme parce que l’enjeu, c’est la survie du discours analytique ? Nous n’avons qu’un désir décidé pour écraser l’Infâme et faire reculer ceux qui ont juré la perte du discours analytique. On peut juger que c’est peu. Mais on peut aussi saisir que la compacité de ce désir est ce qui nous rend plus fort. Nous avons décidé de servir ce discours parce que nous éprouvons qu’il nous libère de nos chaînes. Les ennemis du discours analytique le combattent parce qu’ils veulent rester enchainés. Ce discours leur est insupportable parce qu’il rend chacun responsable de ses actes sans recours au moindre recoin inconscient pour se défausser. Ils préfèrent restés asservis ou s’inventer de nouvelles chaines. Le réel veut dire qu’il y a une limite où les mots défaillent. Là, il reste ne que nos actes pour faire savoir ce que nous désirons.

Publié dans le N°92 de Lacan Quotidien

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