D’un premier entretien à l’autre, un problème revient souvent des parents qui soumettent les difficultés qu’ils ont avec leur enfant, comme celles de cet enfant, à la maison et à l’école. Ces premiers entretiens me permettent de faire advenir chez l’enfant une demande de parler de sa souffrance particulière. Mais actuellement, pour ainsi dire à chaque fois, quelque chose insiste qui risque d’interdire à l’enfant de mettre son inconscient au travail de ses angoisses, de ses inhibitions et de ses symptômes : une volonté de faire de moi un éducateur de plus qui forcerait l’enfant à faire rectifier ses façons d’être là où eux-mêmes s’avouent impuissants. A chaque fois, il s’agit de trouver comment indiquer, dans le fil des signifiants qui ont émergé, ce qu’il y a comme réel en jeu qui ne peut se résorber par un forçage. Autant les parents ont un rôle éducatif qu’il est important de leur reconnaître, et de leur rappeler parfois, autant il existe aujourd’hui une confusion des rôles. Il ne peut être question pour l’analyste de se situer en renfort de cette position qui ne pourrait que pousser l’enfant à s’arcbouter dans son attitude de refus, de défi, voire de rejet, fixant par là un mode de jouissance dans son rapport à l’Autre, entravant ainsi la voie du désir que le discours analytique dégage.

Le premier grand texte de psychanalyse avec un enfant nous oriente. Freud, en se mettant à l’écoute du petit Hans a prouvé qu’il était possible, quand l’enfant souffre d’un symptôme, de donner du poids à sa parole, ce qui permet de découvrir directement « dans toute leur fraîcheur vivante, ces impulsions sexuelles et ces formations édifiées par le désir » (« Le petit Hans », Cinq psychanalyses, Paris, PUF, 1979, p.94) afin qu’il en fasse des leviers de son existence.

Trouver des solutions rapides et efficaces à ce qui se met en travers de l’existence, s’employer à éradiquer les symptômes sans plus s’attacher à la part de vérité qu’ils recèlent, c’est la tendance au nom de laquelle bien des institutions de soins, et bien des enseignements à l’Université. Ils oublient en effet la dimension inconsciente de tout sujet pour traiter la souffrance psychique et répondre au désir de subjectivation. Là encore un rappel du texte de Freud : ce n’est pas sans dommage qu’on fait taire l’inconscient, « on réduit, en les grondant dans la nursery, leurs phobies au silence […]. Elles rétrocèdent alors au bout de quelques mois ou de quelques années, et guérissent en apparence ; mais personne ne saurait dire quelles altérations psychologiques nécessite une semblable “guérison” ni quelles modifications de caractère elle implique » (« Le petit Hans », p.194).
Jacques-Alain Miller a mis en avant « le savoir de l’enfant est un savoir authentique » et que « c’est l’enfant, dans la psychanalyse, qui est supposé savoir, et c’est plutôt l’Autre qu’il s’agit d’éduquer, c’est à l’Autre qu’il convient d’apprendre à se tenir ». « Il s’agit d’élucubrer avec l’enfant un savoir à sa main ». C’est là une formidable boussole. Proposée à la première Journée de l’Institut de l’Enfant, souhaitons qu’elle soit prise en compte au delà de cet Institut, qui l’a adoptée pour sa seconde Journée.

Le 7 septembre 2011.

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