La volonté visant à effacer le nom de quelqu’un, est volontiers référée à l’être, – à l’Autre, aussi bien. Cet Autre n’est qu’un habit. La volonté visant à l’effacement du nom de quelqu’un, la haine dont elle témoigne, sont le message inversé d’un refus, ô combien transclinique, de ce qui est ‘Autre à soi-même’. Il y a le témoignages précis d’Hitler sur ce point : et son acharnement, dans Mein Kampf, à ce que l’on parvienne à épingler un juif, malgré sa ressemblance ‘en tout point’, à un allemand (cf aussi sa rencontre – fort jeune – d’un phénomène de perplexité, survenant à la vue de juifs dans la rue).

La volonté mauvaise visant à effacer le nom de Freud, de Lacan, de Jacques-Alain Miller, gagne en élucidation à être référée à ce que Lacan appelle ’excommunication’ : celle qui, déjà, frappa Spinoza, au nom d’une version de l’Un voulant annuler l’acte inouï, à renouveler sans cesse, auquel convoque l’énigme vivante d’un corps « qu’on a, qu’on n’est à aucun degré ». L’acte auquel convoque indirectement l’Un sans Autre, – ce Y’ad’lUn au cœur du cours de JAM de cette année, (risqué juste avant la parution du séminaire …Ou pire, établi par lui, mais aussi de ‘Je parle aux murs’, et aussi son propre écrit, ‘Vie de Lacan’) : c’est très exactement ce qui, aujourd’hui, suscite la volonté d’annuler le nom de JAM. Volonté méchante, dont une historienne de la psychanalyse, en ce moment précis, choisit de se faire la servante active. La même volonté méchante, qui, contre Lacan, anima d’autres servant(e)s actifs, au sein de l’IPA, il y a cinquante huit ans : quand Lacan menaçait le Temple.

L’Autre et l’objet a forment un couple, dépendant de la structure discursive. Différente, s’avère la rencontre du vivant d’un corps sans être, ‘tout ce qu’il y a de plus hétéro’, qui « n’est noué à l’inconscient que par le réel dont il se jouit » ; rencontre vis à vis de laquelle pâlit même, le désir, – convoquant, dans ses conséquences, (ainsi que JAM l’a fait valoir dans son cours, cette année), à rien de moins qu’à une généralisation de ce que Lacan a d’abord approché en 1973, à partir de la sexualité féminine ! Comment, à ce propos, ne pas rappeler que le ‘herem’ est expressément référé dans ses origines, à la menace de ce que le texte biblique approche à l’aide de l’expression : « les femmes étrangères » ?

Le ‘herem’ a certes pris une importance toute particulière dans le Talmud, avec les gue’onim et les autorités juives médiévales. Mais son origine en effet, est biblique. Le terme classique ’excommunication’ est une reprise, – tronquée -, de l’expression biblique, saisissante : « (expulsion)hors de la communauté… des exilés » (Ezra X, 8). Une communauté d’exilés, se défendant des conséquences produites par la rencontre ayant toujours déjà eu lieu: … des « femmes étrangères » : voilà l’origine du herem !

Contemporaine de Tatnaï (alors, gouverneur de Judée), cette sanction y est historiquement présentée comme décrétée par Ezra, haut dignitaire religieux juif, longtemps resté exilé à Babylone, et qui choisit de retourner en Judée… au moment de la reconstruction du Temple.

Voici les références bibliques (Hagiographes, Ezra) : Tatnaï, « gouverneur des pays de l’autre côté du Fleuve » ( Ezra, – V, 3) s’alarme du début de reconstruction du Temple à Jérusalem décidée par le juif Chechbaçar, et le signale aussitôt à Darius, son Maître. Darius se conforme à l’ancienne promesse de Cyrus autorisant la reconstruction du Temple « sur son emplacement ». Il ordonne à Tatnaï de laisser se poursuivre les travaux, – et ordonne même à celui-ci : « de (financer) les dépenses de ces hommes, sans aucun retard (Ezra – VI , 7-8). Ezra « scribe à Babylone (…) versé dans La loi de Moïse (…) monte à Jérusalem, et avec lui, une partie des Israélites, des prêtres, Lévites, chantres (…), car il avait disposé son cœur à étudier (…), pratiquer (…), de même qu’à enseigner (Ezra -VII 6_10). Une fois la nouvelle structure institutionnelle juive en place, « les chefs (du peuple) se présentèrent à (Ezra) et dirent : ‘le peuple –Israélites, prêtres, et Lévites – ne s’est pas tenu séparé des populations de ces pays, nécessaires en raison des abominations propres aux Cananéens (…) et ont pris parmi leurs filles des femmes pour eux-mêmes (…), les seigneurs et les chefs étant les premiers à prêter la main à cette félonie’ » (Ezra IX, 1-3).

Référé à cet épisode précis, survient la référence aux « femmes étrangères »(Ezra X , 2) : une communauté des exilés, excluant, au nom du Temple… « les femmes étrangères » !

Les lectures de ce texte sont bien sûr multiples. C’est celle-là, que je choisis de faire. Parce que la plus féconde. Le Temple, ce n’est pas l’Ecole : celle-ci est « communauté des exilés » où chacun fait, et expose comment il fait, avec l’étranger chez soi ; celui-là, tout au contraire, refuse l’Un sans Autre, et reçoit avec haine, le vivant du corps. Le Temple, c’est l’horreur de l’inouï de l’acte, parce que l’acte rend chacun ‘Autre à soi-même’. Le Temple, hélas, c’est l’Un fétichisé, c’est Un + a sous couvert de A.

Le Temple, toujours à déconstruire.

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