Dans Je parle aux murs, la deuxième partie a été intitulée par J.-A. Miller « De l’incompréhension, et autres thèmes ». Nous y trouvons un long développement de Lacan sur « l’incompréhension mathématique » considérée comme un symptôme, que je désigne ici par l’acronyme IM.

Examinons  de quelle façon Lacan, qui parle ici aux psychiatres, traite de ce symptôme « assez répandu encore de notre temps » chez ceux qu’il appelle « les jeunes gens » :

  1. l’IM « provient de quelque chose comme une insatisfaction, un décalage, (…) chez le sujet dans le maniement de la valeur de vérité (…). » (53)
  2. pour les sujets en proie à l’IM, « la bivalence vrai ou faux les laissent sûrement en déroute » (53) ;
  3. il y a en effet quelque chose qui « n’a rien à faire avec l’opposition du vrai et du faux », c’est la distinction entre vérité et semblant ; (54)
  4. « l’IM procède justement de la question de savoir si, vérité ou semblant, ça n’est pas tout un » (54)
  5. l’IM pointe donc « qu’il y a quelque part ici une embrouille » (55), embrouille, dirais-je, entre un « est-ce que c’est vrai ? » et un « est-ce que c’est pour de vrai ? »
  6. « Cette embrouille est de nature à nous mener à l’idée que le symptôme de l’IM est conditionnée en somme par l’amour de la vérité pour elle-même (…). » « C’est un tropisme positif pour la vérité », et non un refus. (56)
  7. « Les phénomènes d’IM se produisent chez les jeunes en raison sans doute d’un certain vide senti sur ce qu’il en est du véridique de ce qui est articulé » (57) Mais, Lacan précise que « L’IM doit être bien autre chose qu’une exigence qui ressortirait d’un vide formel » (59)
  8. Quel est donc ce vide dont l’IM fait exigence ? Celui qui résulte du fait « que nous ne sommes pas capables d’articuler dans lalangue la moindre chose qui ait rapport avec ce réel », le réel « des hommes et des femmes comme tels » (61) ;

Au total, une impeccable démonstration clinique en 8 points, hors toute psychologie, qui, partant du « respect de l’enveloppe formelle du symptôme », en restitue la valeur de vérité, précisément, pour « le jeune », et indique une direction de la cure qui veille à situer « l’embrouille » du bon côté, c’est-à-dire non du côté des pantomimes « jeunesques » (à ne pas déconsidérer pour autant), non du côté des fluctuations parentales (à considérer par ailleurs), mais du côté de « l’induction » du réel de la différence des sexes dans le champ de lalangue (60).

Pour nous, une leçon.

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