Communiqué de Jacques-Alain Miller à 21h
dernier de ce jour

– Quatrième gravure de Goya, en attaché : « Disparate de Toros ».
Ce « Disparate de Toros » tombe très bien, alors que tous les groupes analytiques de France et de Navarre sont en train de discuter – à leur rythme – de l’initiative historique de LLV. Je fais partie du CA d’UFORCA, et reçois les mails. Il y a plus de 20 membres ; tous ceux qui se sont prononcés jusqu’ici par mail sont en faveur. Le dernier, Marcel Eydoux, de Brest :
Ceux qui nous ostracisent n’auront comme choix que de s’exclure eux-mêmes. Je suis d’accord avec la participation au Comité de soutien, de l’UFORCA comme de l’Ecole. Cordialement à tous, Marcel Eydoux
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De Perrine Guéguen, agrégative d’espagnol,
la traduction demandée :

LIBERTE POUR RAFAH NACHED
par Juan Claudio Lechin
Traduction établie par Perrine Guéguen

Il y a un peu plus d’une semaine la doctoresse, première femme psychanalyste de Syrie, s’apprêtait, à l’aéroport de Damas, à prendre l’avion pour accompagner sa fille. Après de longues années, elle se rendait à nouveau à Paris. Je peux l’imaginer clairement. Elle emportait avec elle un agenda plein d’activités et d’illusions. Elle avait étudié là-bas et elle parcourrait ses rues dont elle était nostalgique, elle reverrait la Coupole avec la même admiration que lorsqu’on lui avait dit que là se réunissaient Sartre, Malraux, ainsi que d’autres grands intellectuels. Elle se baladerait aux Champs-Élysées, qui malgré la circulation serpente majestueusement vers l’Arc de Triomphe.

En tendant son passeport afin qu’il soit estampillé, elle pense qu’elle va inviter deux amies et collègues françaises à faire un pique-nique au Champ de Mars, bien que ce soit un lieu très touristique. Elles la verront comme une éternelle romantique, accrochée à ses souvenirs de jeunesse. Qu’importe, elle insisterait tout de même, sachant que les psychanalystes, parfois, se montrent froids seulement pour cacherleur sensibilité intérieure, frôlant souvent le snobisme. En poussant une de ces gueulantes si françaises qui sont synonymes de résignation, elles accepteraient et, en vérité, se divertiraient à ce déjeuner inusuel, elles riraient, parleraient de leurs lectures analytiques, d’expériences cliniques et elles n’auraient de cesse de nommer Lacan.

Elle se rendrait aux rendez-vous médicaux qui, à soixante-six ans, sont nécessaires lorsqu’on se rend dans une ville où il y a d’excellents professionnels. Elle se rendrait aussi aux librairies spécialisées où les publications les plus en vue sont celles de ses collègues d’antan. Elle donnerait des conférences à différentes universités et, finalement, elle serécompenserait de ses efforts en allant manger un imbattable gigot d’agneau aux fines herbes dans un petit restaurant bien caché d’Ile de France.

Paris la marqua. Après avoir obtenu son diplôme de médecine, ses parents espérèrent qu’elle choisirait une spécialité de femme. Le choix naturel était la pédiatrie. Mai lorsqu’elle leur annonça, sur un ton décidé, qu’elle avait choisi la psychanalyse, ils furent consternes.ils savaient quel énorme défi constitue une société masculine traditionnelle pour une femme qui travaille. Heureusement, elle trouva pour mari un jeune homme qui ne se sentait pas diminué par son intelligence et son courage. Elle se maria, devint mère, et, avec le temps, Rafah Rached, déjà reconnue comme une éminence en Europe, fut aussi reconnue en Syrie.

Samedi dernier, au lieu de lui rendre le passeport qu’elle avait tendu afin qu’il soit estampillé, elle fut arrêtée par des agents de l’intelligence des Forces Aériennes. Il n’y a pas eu d’ordre judiciaire, ni d’accusations. Ils l’enlevèrent simplement. Pendant qu’ils escortent Rafah par un couloir latéral, mère et fille ne se lâchent pas du regard, jusqu’à ce qu’une porte se ferme et les sépare. On sait bien que Rafah s’est tenue éloignée de la politique, par conséquent sa détention n’a rien avoir avec les manifestations récentes en Syrie. Mais il n’est pas difficile d’en conclure que, dans de telles circonsances,, les gouvernements nerveux ne trouvent des ennemis jusque là où il n’y a que des fleurs, où il y a seulement de la lumière. Relachez Rafah Rached, bordel, car elle cela, et cela seulement : fleurs et lumière !

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