Berlus-gone-i par Antonio Di Ciaccia

 Il est 19:53 samedi 12 novembre l’an de grâce 2011. Cette fois pourtant la grâce n’est pas divine mais napolitaine avec un petit coup de pouce franco-allemand. Mais il est certain qu’il ne s’agit pas d’une grâce vaticaine. Dans une demi heure Silvio Berlusconi devrait monter au Quirinal pour remettre le mandat de premier ministre dans les mains du président de la République Italienne, Giorgio Napolitano. Pendant que j’écris je suis sur l’ANSA et les journaux on-line les derniers développements : les rumeurs de la foule devant le Palazzo Chigi, les interventions au Parlement de ceux qui défendent encore le dernier mohican, pour l’appeler  comme l’a appelé l’ami Putin ; avant tout l’intervention de Scilipoti, l’opposant qui s’était prêté il y a quelques semaines à sauver il Cavaliere, son nouveau patron; l’intervention d’un leghiste qui au lieu d’utiliser la langue italienne s’adresse aux onorevoli deputati en français, parce que les Italiens sont – dit-il – désormais colonisés par l’unique patron olofrastique du nom de Merkosy. Sur la place, une dame âgée, Annarella, fait son show devant la porte du Palazzo Chigi; le peuple des violets, transversal à tout mouvement, affirme qu’il sera dorénavant le seul peuple qui suivra Berlusconi: oui, mais du Palazzo Chigi au Quirinal, pour être sûr qu’il donnera vraiment sa démission. Devant le Palais du Quirinal une compagnie musicale, arrivée expressément de Pescara, joue et entonne l’Halleluja de Haendel; ensuite on chante Bella ciao, le chant des partisans, et Fratelli d’Italia. Quand passe la voiture de Berlusconi la foule lance des petites pièces de monnaie, exactement comme ce fut le cas avec Craxi, et des pancartes annoncent  “12 novembre, jour de la libération”.

Le journaliste Giuliano Ferrara, longa manus du Cavaliere dans les mass media, se plaint que cette fois, pour mettre fin à un autre ventennio (le premier fut celui de Mussolini), les blindés qui ont porté à la capitulation le Cavalier s’appellent spread, quand la différence entre les bond italiens et allemands est devenue abyssale.

Voilà ce qui est nouveau. Ce sont les marchés qui ont contraint Berlusconi à la capitulation. Non pas les bunga bunga, les nombreuses fiancées ou les mineures dans sa chambre à coucher: ce sont là des choses qui ne peuvent certes scandaliser à Rome, qui en a vu de toutes les couleurs, et non seulement au temps des Romains mais aussi au temps des Papes-Rois. Et lundi, si Mario Monti – le Supermario qui avait plié Bill Gates quand il était à la Commission Européenne – sera nominé et présentera un programme ad hoc, le spread va diminuer – il a déja diminué de 100 points aujourd’hui même -, et le marché sera enfin satisfait. Dimanche à minuit, à l’ouverture de la première Bourse, celle de Tokyo, nous saurons si lundi portera, pour l’Italie, la réponse au rapide “moment de conclure” du président de la République. Pour Giorgio Napolitano, en effet, le  problème n’était pas Berlusconi, mais de répondre à temps à cet appareil qui, comme la chaîne signifiante, fait circuler la jouissance sous forme d’argent. Je comprends toujours mieux le conseil que Lacan donne dans le Séminaire L’envers de la psychanalyse: lire des livres d’économie plutôt que les livres de psychologie pour comprendre comment circule la jouissance.

21:42. Berlusconi a donné sa démission.     

Publié dans le N°87 de Lacan Quotidien

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