La clé de mes songes , Lettres asiatiques, l’Harmattan, 2011

GUAN Jian est une jeune romancière qui a quitté la Chine après les événements de Tien An Men en 1989. Traductrice des Trois portes, le premier roman écrit à 18 ans du célèbre bloggeur Han Han qui réussit à contourner les censures avec dextérité sur internet, elle est l’auteur de plusieurs romans écrits en chinois.

Cette fois elle a décidé d’écrire directement en français un roman où elle réussit brillamment à alterner deux styles correspondant à deux époques : l’actuelle, qui se déroule en France, dans un petit village alpin, est décrite de façon gourmande et douce, autour des petits plaisirs de la vie quotidienne auprès de « son homme ». Ce sont précisément ces joies simples et qui nous paraissent naturelles et banales dont les Chinois ont été privés durant les années sombres de l’autre époque.  Ses plongées dans le passé à Pékin sont d’un style presque clinique, où la maladie et la mort, la faim, étaient toujours menaçantes. Comme dans d’autres « romans de cicatrice », nous sommes entrainés dans le tourbillon des événements extérieurs. L’héroïne de Guan Jian a la particularité de faire face avec une volonté qui cherche à tout prix à préserver une dignité que sa mère a perdu, une dignité à la hauteur d’un père haut dignitaire du Parti Communiste.

Mais les passages concernant ces retours sur la Chine sont édités en italique, comme s’ils étaient destinés à se perdre, à choir au profit d’une autre dimension où sa connaissance de la psychanalyse entre il me semble en jeu, et justifie le titre qui annonce ses rêves dans lesquels règne une Petite Fille. Rêves français ? Rêves chinois ?  L’inconscient semble là traverser les frontières et nous délivrer dans ce beau roman une traversée de la féminité.

Nathalie Charraud

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